La fin d'une maison d'éditions, la Cabane à mots

Cela fait des mois maintenant que l'idée tourne, puis que la décision a été prise et que je le sais. Je ne voulais pas réagir à chaud parce que forcément, mon regard n'est pas neutre quand on en vient à la Cabane à Mots. Je ne suis pas ici pour lancer des polémiques, pour dénoncer, pour regretter quoi que ce soit. Les personnes qui ont choisi de fermer cette maison d'édition ne l'ont pas fait de gaîeté de coeur, ce qui renforce d'autant plus ma conviction qu'elles l'ont fait parce que c'était nécessaire. Pourtant, je ne veux pas non plus rester silencieuse. Ce qui se passe est important, je veux en parler. Non pas pour me mêler d'une histoire qui ne me regarde pas mais pour dire mon ressenti en tant qu'auteur. 

La Cabane à Mots a été, est et restera la première maison d'édition à m'avoir publiée. La première à m'avoir fait confiance. En cela, elle a changé ma vie, jusqu'au bout. J'aurais peut-être fini par être publiée ailleurs, j'aurais peut-être écrit autre chose, un autre jour... Ce n'est pas ce qui s'est passé. L'appel à textes sur l'anthologie steampunk a été un vrai déclencheur pour moi, sans que je le sache. J'étais fatiguée d'une année difficile, je me promenais sur internet, j'avais envie de me remettre à écrire sérieusement sans savoir comment le faire, et je suis tombée sur cette annonce. Ca a été un déclic, ce genre de déclic qu'on a au bout du désespoir, quand on n'est plus convaincu de rien, que la seule chose qui nous reste est un soupir au bout des lèvres et un "après tout, qu'est-ce que je risque". Je me suis plongée dans ce texte. Je me suis sentie passionnée, comme si des idées que je couvais depuis longtemps étaient enfin en train d'éclore.

Et la Cabane m'a accueillie. Pas seulement en publiant mon texte, mais avec bienveillance et respect. Elle m'a aidée à comprendre ce qu'était le statut d'auteur, m'a guidée. Sans me pousser, sans me forcer à rien. Pas à pas. Avec elle j'ai connu non seulement la joie d'être acceptée quelque part, mais aussi mon premier contrat d'édition, mes exemplaires auteur, ma première séance de dédicaces. Comme je le disais, la Cabane a changé ma vie. Elle m'a surtout donné la confiance nécessaire pour persévérer, des clés pour continuer à croire en moi, pour me dire que mon rêve est possible.

Bien sûr, quand j'ai appris que l'aventure s'arrêterait là, j'ai eu une sensation d'inachevé. De déception. Parce que c'est ma première maison d'édition, mais pas seulement. Je sais aujourd'hui que j'ai été acceptée ailleurs, je continue de proposer des textes. La disparition de la Cabane n'a pas d'impact direct sur mon avenir en tant qu'auteur. Sauf que si, elle en a. Parce que cette maison n'est pas une simple maison. C'est une maison d'édition qui s'adresse à tous : aux enfants, aux adultes, aux dyslexiques, à tout le monde. Je n'ai jamais vu de ma vie quelque chose comme la Cabane à Mots, un tel souci d'inclure chacun, de proposer à tous quelque chose qui lui convienne. Et c'est cela, le plus, qui va me manquer. Cette idée-là. Une idée comme celle-là mériterait de ne jamais mourir.

Alors oui, je suis triste. Triste pour tous ces gens que j'ai rencontrés, virtuellement ou de visu. Je suis triste aussi parce que cette maison d'édition, précisément, méritait bien plus. Elle méritait d'être connue, soutenue. Elle ne l'a pas été. J'espère qu'un jour un projet similaire renaîtra de ses cendres. Que tout n'est pas fini pour toujours, mais juste pour maintenant, jusqu'à la prochaine fois. La Cabane m'a beaucoup apporté. Je continuerai à faire passer son message et à m'inspirer de son exemple. De cela, je suis certaine.

Alors, pour conclure, merci. Merci d'avoir existé un jour. J'aurais voulu que ça dure plus longtemps, j'aurais aimé pouvoir partager plus. "J'aurais", plein de choses, mais cela n'a aucune valeur. J'aimerais plutôt dire que je suis fière. Fière que ce soit cette maison et pas une autre qui m'ait trouvée. Fière d'avoir été, même pour un temps très court, un auteur de la Cabane.

Comments

[L'ex-Cabane à Mo]

Merci...merci sincèrement...