Les livres qui ont changé ma façon de voir le monde (6) : Fahrentheit 451, Ray Bradbury
Alors oui, il y a Orwell. Mais je n'aime pas Orwell. Je n'ai jamais réussi à entrer dans le monde de 1984, qui me paraissait incohérent et peu construit au niveau de l'intrigue. Oui, il y a le Meilleur des mondes, que j'adore, et qui illustre très bien la société dans laquelle nous vivions aujourd'hui, vers laquelle nous tendons, surtout dans cette perte de repères sociaux et cette idée de la solitude. Mais celui que j'aime d'amour, la meilleure des dystopies, le livre qui me marque à chaque fois par sa subtilité et sa prescience, c'est Fahrenheit 451 de Ray Bradbury.
Est-il encore nécessaire de présenter ce grand classique de la littérature ? Un monde où les livres n'intéressent plus personne, où les gens s'abrutissent et où les pompiers brûlent les ouvrages qui restent afin d'éviter de "perturber" les gens par des discours contradictoires, et dans lequel Montag, le héros, commence à se poser des questions. Je vais partir du principe que vous connaissez l'histoire donc attention aux spoils !
Ce livre a changé ma vision du monde d'abord par un épisode poignant : l'immolation d'une vieille femme avec ses livres. J'ai lu Fahrentheit 451 pour la première fois quand j'avais 15 ans, durant mon année de seconde. L'espace d'un instant fugace, j'ai eu la sensation que cette femme, c'était moi. Que le monde deviendrait comme le livre le décrivait et que je ne m'y adapterai pas. Que je serai, moi aussi, brûlée. L'impression, si forte, m'a servi d'avertissement. Je continue à rester vigilante, et j'observe que bien que les circonstances diffèrent, l'abrutissement général semble effectivement s'imposer.
Pourtant, je ne pense pas qu'on vienne brûler mes livres. Les livres perdent de l'intérêt. Le savoir se perd tout seul, par la volonté des gens. Effectivement, nul besoin d'interdiction. Seuls quelques-uns persévèrent dans la direction que j'ai choisie. Je l'avoue, parfois, je me sens à part, hors du monde, un peu comme cette dame. Pourtant, je ne me sens pas aussi désespérée qu'elle. Je pense que la conviction que je peux changer quelque chose, de l'utilité de mon métier, me vient de là aussi. En constatant cet avenir, j'ai décidé de ne pas l'accepter et de commencer la lutte à ma façon, dès maintenant.
La morale du livre m'a donnée espoir. Oui, les livres ne disparaitront jamais vraiment, peu importe le support. C'est en racontant les histoires, en maintenant une proposition que nous les sauvegarderons. Il y aura toujours quelqu'un pour les trouver, pour avoir envie de découvrir, me^me si c'est une minorité. Et cette minorité suavera le reste. Après tout, nous sommes encore capables de lire l'Iliade et l'Odyssée, les épopées du Moyen-Âge ou les classiques latins et grecs. espérons qu'il en sera de même encore longtemps.
En attendant, je continuerai à transmettre le goût de la lecture de Fahrentheit 451 tous les ans, à mes élèves... Et même que cela en intéressera 2 ou 3.