Les livres qui ont changé ma façon d'écrire (5) : Roma Eterna, Robert Silverberg

 Je n'ai pas encore pu constater la façon dont ce récit va changer ma façon d'écrire : je viens de l'achever. Pourtant, j'ai déjà acquis la certitude qu'il est fondateur pour moi, parce qu'il m'a fait comprendre beaucoup de choses sur ma propre écriture et sur mon style.

Robert Silverberg est un grand auteur de fantasy et de science-fiction américain qui vit toujours, même si ses grands succès datent des années 1980-1990. Il a reçu de nombreux prix, en particulier les prestigieux Nebula et Hugo, entre autres. Il est surtout connu pour sa saga le cycle de Majipoor, dans laquelle il relate les aventure de Lord Valentin, un coronal à qui on a effacé la mémoire. Je n'ai pas lu le cycle de Majipoor (même si je dois avouer ma curiosité) mais j'ai lu plusieurs fois l'adaptation en bande dessinée du premier tome, que j'aime beaucoup (plus pour l'histoire que pour le dessin, d'ailleurs).

Le livre que j'ai lu, c'est Roma Eterna. En réalité, c'est un recueil de nouvelles parues dans divers magazines au fil du temps et regroupées. Pourtant, elles sont toutes liées : pour cause, elles se situent dans la même uchronie. Pour les personnes qui ne seraient pas familières avec le principe, une uchronie (du grec ancien chronos, le temps, et du u- privatif : littéralement hors du temps), c'est un récit qui, plutôt que de se situer dans notre Histoire, que nous connaissons, part du postulat que quelque chose, à un moment, s'est produit d'une façon différente et a changé le cours du temps. Dans Roma Eterna, vous vous en doutez, l'Empire Romain n'a pas été anéanti par les invasions barbares. Les germains, les francs ont été repoussé, et les Romains ont perdu. Cependant, l'Empire Romain d'Orient, avec Constantinople pour capitale, a bien été créé.

Et c'est en cela que Roma Eterna est une oeuvre majeure. Nous ne suivons pas les aventures d'un seul personnage comme dans les récits steampunk, ou même une époque comme dans le Maître du Haut Château. Chaque chapitre, équivalent d'une nouvelle, correspond à un personnage d'une époque différente. Cela nous permet de revivre l'histoire dans son intégralité, la leur en même temps que la nôtre, en parallèle. Les points de vue se succèdent, internes, externes, les personnages célèbres ou anonymes, importants ou non... Et nous traversons le temps à leurs côtés. Les Empereurs se succèdent et ne se ressemblent pas, les crises politiques et les découvertes aussi. C'est un livre que je recommande à tout le monde : elle transcende les littératures de l'imaginaire pour se porter vers le chef-d'oeuvre classique, à la manière d'un Seigneur des anneaux.

Ce qui est frappant, c'est l'absolue cohérence du monde créé par Silverberg. Ce qui frappe encore plus, c'est la variété de son style, changeant d'un chapitre à l'autre, mais en cohérence avec le reste de l'oeuvre. Je n'ai jamais vu une telle adaptabilité. J'ai fini le livre en n'ayant qu'une seule envie : en féliciter son auteur. Bref, je recommande cette lecture à tout le monde.

En quoi cela va changer, change déjà ma façon d'écrire ? Je me rends compte que j'ai envie de me lancer le défi de cette adaptabilité. Changer de personnage, un par chapitre, mais conserver une cohérence, présenter un monde. Des nouvelles qui se succèdent, je serais capable de le faire, non ? Je réfléchis aussi sérieusement à varier mes techniques de narration. Je reste souvent sur un point de vue interne, mais j'écris à la troisième personne. Pourquoi ne pas changer un peu ? Pourquoi ne pas tenter l'épistolaire, la poésie, le chant ? Ce livre m'ouvre de nouveaux horizons et surtout m'offre un retour constructif sur ce que j'écris. Il me permet d'évoluer... Et j'espère me montrer à la hauteur !