Les conseils d'écrivain

Quand on débute dans un milieu aussi compliqué que celui de l'édition et qu'on cherche à être publié, il arrive que l'on doute (moi la première). Relire un texte est, à mon sens, l'étape la plus difficile dans l'élaboration d'un texte. Au centre, la question du style, de l'intrigue, de l'équilibre entre action et description, le caractère des personnages... Savoir trouver un juste milieu entre tous ces critères ne relève pas de l'évidence, mais de la réflexion et du travail (j'y reviendrai dans un article ultérieur). Dans ce contexte, se tourner vers les conseils d'écrivains publiés et reconnus peut sembler une évidence.

Je vous ai d'ailleurs recommandé, dès cet été, l'indispensable On writing de Stephen King. Ces livres ont toujours attisé ma curiosité, et j'admets que je comprends leur succès. Il existe aussi des blogs ou des informations données par des écrivains publiés et reconnus sur leur site internet, gratuitement. Le principe est différent, souvent moins structuré ou centré sur un thème précis pour correspondre au format du billet posté sur le moment, tandis qu'un livre repose sur des chapitres, et (encore une fois) sur des relectures. Chaque auteur a ses astuces ou ses conseils différents, même si beaucoup se répètent (là aussi, je vous en reparlerai un jour).

Nous touchons là au noeud du problème. Quelle est l'utilité de ces livres ? Pourquoi se vendent-ils ? J'y ai beaucoup réfléchi et je pense avoir trouvé un embryon de réponse. Les gens cherchent une recette miracle, un mode d'emploi pour s'assurer que l'histoire qu'ils écrivent et dans laquelle ils mêlent leurs émotions et leurs espoirs sera publiée de façon sûre. Malheureusement, une telle méthode n'existe pas. On parle de "truc d'écrivain". Eh bien, les trucs d'écrivain ne marchent pas à 100%. Sinon, chaque manuscrit serait publié (et ce n'est pas le cas).

Le problème de ce genre d'ouvrage, c'est qu'un écrivain ne peut parler que d'une expérience personnelle, donner des points communs entre tous les ouvrages qu'il a écrits. Pourtant, même ce postulat de départ est empreint de fausseté : chaque ouvrage est différent. Admettons que je travaille sur de la fantasy aujourd'hui, je n'utiliserai pas les mêmes ficelles pour de la science-fiction la semaine prochaine. L'écriture repose sur la capacité de l'auteur à s'adapter à l'histoire qu'il veut raconter. Un style, même s'il reste personnel, doit être malléable.

Il en va de même de l'auteur. Comme chaque histoire est unique, chaque écrivain l'est... Et surtout, chaque écrivain évolue. Je suis sûre qu'aujourd'hui, Stephen King pourrait rajouter au moins trois chapitres supplémentaires à son On writing. Chaque livre apporte des expériences. Dans ce cadre, donner des conseils me semble compliqué. De ce fait, certains livres de conseils d'écrivain sont redondants, ou énoncent des évidences. 

Il me paraît pourtant important de lire quelques-uns de ces livres. Ils sont un apport intéressant à une expérience personnelle. Parfois, savoir que l'on n'est pas la seule personne a avoir été confrontée à cette situation est suffisamment rassurant pour nous pousser sur la bonne voie ou redonner confiance en soi. Certains conseils peuvent s'avérer vitaux. Cependant, je pense qu'il ne faut pas perdre de vue leur but réel, authentique. Ce sont des conseils, rien d'autre. Et il faut savoir s'en détacher en fonction de sa personnalité. Parce que nous sommes tous différents.

Deux exemples me viennent à l'esprit. La plupart des écrivains encouragent à écrire un peu tous les jours. Quoi qu'il arrive, chaque jour, même si ce n'est qu'une phrase, il faut écrire. Je ne le fais jamais. Je pense que ce conseil correspond à des personnes qui ont un métier à horaire, qui rentrent le soir du travail sans avoir à repenser à leur journée, à la digérer, ou à préparer le lendemain. Ce n'est pas mon cas. Certains jours, quelle que soit ma bonne volonté, je n'ai pas le temps d'écrire. Et ce n'est pas grave. Parce que j'ai réussi à adapter ce conseil à mon cas particulier : je m'arrange, dans la semaine, des plages d'écriture, qui me permettent de continuer. Et si je n'ai pas écrit pendant trois jours, ce n'est pas grave.

Deuxième exemple : tous les écrivains recommandent de se concentrer, de s'isoler pour écrire. J'en suis incapable. J'ai besoin de faire autre chose pendant que j'écris. D'avoir une vidéo de fond, de la musique... Bref, quelque chose. Je ne peux pas rester seule avec mes pensées. Sinon, la concentration dont je dois faire preuve devient trop forte, je perds mes moyens, je me fatigue beaucoup plus vite... Et je finis par arrêter ce que je fais pour procrastiner. Alors que si j'ai déjà une vidéo qui est en train de tourner, sur le même écran, juste à côté, quelque chose qui me distrait si besoin mais qui ne demande pas de suivre une intrigue développée, je jette un simple regard sur le côté et je retourne aussitôt à mon travail.

Au départ, j'essayais de suivre les conseils des écrivains. J'ai commencé une constance pour faire au moins une phrase par jour, que j'ai fini par abandonnée, il y a des années. J'ai perdu du temps à regarder les mouches voler parce que je voulais me concentrer à tout prix sur ce que j'écrivais. Mais je ne suis pas comme ça. Et écrire ne vient correctement que si je fonctionne selon ma méthode à moi, celle qui me permet de prendre confiance et d'avancer. Je ne l'ai pas encore perfectionnée. J'ai quelques éléments, rien de plus. Mais j'ai acquis une certitude : si je veux y arriver, la seule chose qu'il me reste à faire est d'écrire.