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Au fil des étoiles
22 juillet 2016

Les livres qui ont changé ma façon de voir le monde (2) : Le dernier chasseur de sorcières, James Morrow

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On continue notre série de l'été avec un tout autre sujet. La dernière fois je vous ai parlé du Seigneur des anneaux et de son impact sur ma vie, sur mon enfance. Au contraire, j'ai découvert Le dernier chasseur de sorcières de James Morrow il y a quelques mois, par hasard, lorsque je me suis rendue au festival des Imaginales d'Epinal consacré aux littératures de l'imaginaire. Vous vous en doutez, c'est là que je fais chaque année un stock de livres qui dure jusqu'à l'édition suivante. James Morrow n'était pas sur ma liste d'auteurs à acheter ou d'auteurs connus. Je n'en avais jamais entendu parler. C'était pourtant un invité d'honneur venu des Etats-Unis. Je l'ai d'abord écouté lors d'une conférence à propos de la sorcellerie. Ses mots touchants, son discours raisonné et sa foi inéluctable dans une France fantasmée capable de sauvegarder les idéaux des Lumières m'ont émue... Et ont éveillé ma curiosité.

J'ai donc acheté son livre, Le dernier chasseur de sorcières. Si ça vous intéresse, c'est le plus récent d'une longue série, comme en atteste sa biographie impressionnante et le nombre de récompenses qu'on lui a remis au fur et à mesure du temps (ici son site internet, en anglais). Je vous préviens, c'est un pavé de plus de 600 pages qui peut décourager au premier abord. Je vous préviens aussi, il manie la langue avec brio, et l'excellente traduction ne gâche rien. Et dernier avertissement : votre cerveau va chauffer. Cela faisait longtemps que je n'avais pas lu quelque chose d'aussi éclairé et intelligent.

Le livre raconte l'histoire d'une femme, Jennet, de son enfance à sa mort entre le 17e et le 18e siècle. Jennet vit en Angleterre. C'est la fille d'un chasseur de sorcières renommé. Elle voudrait l'accompagner pendant ses chasses mais c'est son frère Dunstan qui a cet honneur. En attendant, elle est confiée à la garde de sa tante Isobel, chargée de son éducation. Isobel est intéressée par les nouvelles découvertes et en particulier Newton. Jennet va se mettre en tête de prouver que la chasse aux sorcières n'a aucun sens. En parallèle de cette histoire se livre un combat entre deux livres, le Malleus Maleficarum sur la lutte contre les sorcières, et le Philosophiae naturalis principia mathematica, le traité scientifique rédigé par Newton. La parole est donnée à ce dernier, qui explique comment la raison lutte contre la superstition. Le récit nous entraîne aux Etats-Unis et est entrecroisé d'événéments historiques : les sorcières de Salem, les découvertes de Benjamin Franklin, Montesquieu, Newton lui-même...

Alors c'est bien beau tout ça mais en quoi est-ce que ça change ma vision du monde ? Après tout ça pourrait ressembler à un roman historique comme un autre... Non. L'auteur a trouvé les mots pour me faire comprendre une vérité simple : la raison ne triomphe pas toujours. Nous apprenons l'Histoire en sachant qui a eu tort ou raison. Galilée, Newton, Einstein... Nous connaissons la date de leurs découvertes, en quoi elles consistent et en quoi elles sont justes. Nous les intégrons à notre quotidien, fondons notre vie sur ces certitudes... Nous oublions leur caractère révolutionnaire. Apprendre la date de la découverte de la gravité ne signifie rien : Newton la fait, la démontre mais les gens continuent à manger, à parler, à vaquer à leurs occupations. Les années passent mais qui dans le monde sait que tout a changé ? Une poignée de personnes. Nous oublions que les grandes découvertes sont nées dans un monde qui ne leur accordait aucune valeur. Le dernier chasseur de sorcières m'a montré comment notre vision du quotidien repose sur des certitudes erronées. La chasse aux sorcières était ordonnée de façon logique, c'était devenu un système sur lequel on se reposait, communément accepté. Dans ce cadre, la vérité ressemblait à une folie, une hérésie.

Nous nous convaincons que nous vivons dans un monde stable, que nous sommes le fruit d'une évolution. Nous nous imaginons à l'apogée, capables de comprendre le monde et de l'améliorer grâce à notre technologie. Nous n'en sommes qu'aux balbutiements. Quels acquis de notre quotidien sont-ils erronés ? Combien ? Et surtout, l'obscurantisme ne nous guette-t-il pas ? Ce livre m'a poussée à me demander contre quelles avancées nous luttons, dans quels domaines de la pensée que nous croyons inaliénables nous reculons. Il m'a confirmé que le savoir est une lutte et qu'il ne faut pas y renoncer par facilité. Il m'a aussi donné une incroyable foi en l'avenir. Que ne sommes-nous pas capables de découvrir ? Jusqu'où pouvons-nous aller si nous nous en montrons dignes ? Ce livre m'a rappelé que l'évolution n'est pas linéaire ou constante mais qu'elle dépend d'une période, d'un niveau de vie, d'une région du monde. Je ne peux que vous encourager à découvrir ce roman et à en tirer vos propres conclusions.

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